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Q. Chère Mme Sutton ; certaines discussions et lectures d’articles, ainsi que la relecture du roman « 2001 – L’odyssée de l’espace » d’Arthur C. Clarke m’ont conduit récemment à quelques réflexions, qui, je pense, relèvent de votre domaine d’expertise.

Cet auteur a toujours été considéré comme un visionnaire, et je crois même qu’il a été consultant pour la NASA à plusieurs reprises. Cependant, ses prédictions n’étaient pas toujours très exactes. En particulier, s’il avait décrit de façon réaliste l’ascension des femmes dans le monde de 2006, je suis certain qu’on ne l’aurait jamais publié. Son éditeur lui aurait sûrement ri au nez en le traitant de fou !

Je ne suis pas certain de la date de rédaction de ce livre, mais cela devait être probablement vers 1965 : cela n’est pas si vieux, le temps qui s’est écoulé depuis représente à peine la moitié d’une vie moyenne. Et pourtant, ce que les femmes sont capables d’accomplir de nos jours aurait paru incroyable à un citoyen de l’époque.

Quelqu’un aurait-il pu prévoir que 40 ans plus tard, les filles seraient si supérieures aux garçons dans les études qu’il serait même question de remettre au goût du jour les classes séparées ? Et ce non pas dans le but de tenter de combler le fossé grandissant entre les résultats des deux sexes, mais afin de protéger les garçons contre de trop nombreux et trop rapides syndromes d’échecs dans leur scolarité ? Ou bien que 57 % des étudiants seraient des femmes ? On voit même de plus en plus souvent le chiffre de 60 %, et il est communément admis que ce nombre va continuer à augmenter.

 

Quelqu’un aurait-il pu suggérer qu’à peine 40 ans plus tard les entreprises au développement le plus rapide seraient celles gérées par des femmes ? Bien sûr, j’ai pu entendre un nombre incalculable d’hommes argumenter sur ce point, en prétendant que « c’est uniquement parce que les femmes vendent des produits cosmétiques ou des savons, des trucs de filles. » Mais ce n’est tout simplement pas vrai. Une telle argumentation est la manifestation flagrante d’une attitude anachronique et rétrograde. Le pire est que ces hommes qui se réfugient derrière de telles inepties ne donnent même pas l’impression d’être machistes ou ignorants, mais plutôt effrayés et vulnérables. Les preuves s’accumulent sans cesse, et il est maintenant devenu évident que les femmes possèdent bien plus de talents pour diriger que les hommes.

 

Quelqu’un aurait-il pu prévoir que 40 ans plus tard, on aurait prouvé que les femmes ont plus de capacité neuronale, leur donnant ainsi la possibilité de réfléchir plus rapidement que les hommes, qu’elles peuvent utiliser les deux hémisphères de leur cerveau au contraire des hommes, et qu’elles sont capables de gérer plusieurs tâches en même temps, bien au-delà de la possibilité de leurs équivalents masculins ? Il y a 40 ans, la seule observation de ce type qui aurait pu être acceptée, peut-être, aurait été que les femmes ont une meilleure mémoire que les hommes ; et encore cette remarque n’aurait pas été générale, mais seulement réservée au cadre restreint de la mémorisation de textes par des acteurs.

 

Il est difficile d’analyser au présent les modifications qui affectent notre société, et personne ne sait réellement ce qui sera considéré comme naturel et convenable dans 40 ans. On trouvera peut-être parfaitement normal d’encourager les jeunes filles à travailler dur pour réussir leurs études, et parallèlement d’orienter les garçons vers des domaines plus pragmatiques tel que le commerce, ou simplement de leur conseiller de trouver rapidement un bon travail honnête qui pourra contribuer à compléter le revenu de leur future femme. Bien sûr, il restera (et devra rester) de la place pour des hommes talentueux et ambitieux afin qu’ils puissent aller aussi loin qu’ils le désirent dans leurs études, mais cela ne représentera qu’une exception ; en particulier si la tendance actuelle se confirme.

 

Il est certain que notre culture a subi des transformations essentielles ces

 

Par exemple, la devise : « trouve-toi une fille pour fonder une famille » sera probablement remplacée par une formule telle que « trouve une femme pour te commander et te punir. » En cas de mauvaise conduite, la remarque classique : « après tout, ce sont des garçons » ne sera plus utilisée comme excuse, mais plutôt comme préambule à une sévère punition. Je n’ai rien contre le fait d’encourager les garçons à être fiers de leurs performances physiques, comme on le voit de nos jours ; la compétition sportive me semble être une chose très naturelle, mais n’est-il pas venu le moment d’encourager de manière équivalente les filles pour leurs capacités intellectuelles ? Je ne dis pas qu’il faudrait empêcher les filles de pratiquer tous les sports qu’elles souhaiteraient, et qu‘il faudrait interdire les livres aux garçons, je dis juste que chaque sexe a ses forces et ses faiblesses par rapport à l’autre, et il faut savoir le reconnaître.

 

Comme vous êtes une femme sensée qui ne va pas divaguer sur un quelconque fantasme irréaliste de domination féminine en réponse à ma question, je me permets de vous demander :

 

Quelle place dans la société pensez-vous que la femme aura dans 40 ans ? Le rapport entre les garçons et les filles dans la scolarité va probablement continuer à évoluer, mais je ne crois pas que dès le milieu du 21ème siècle on aura déjà 80 % de femmes étudiant et enseignant à l’université. Avez-vous observé des évolutions encourageantes chez les enfants d’aujourd’hui en rapport avec le respect naturel que les hommes doivent aux femmes ?

 

De même, pensez-vous que l’on puisse réussir à trouver un moyen de permettre aux garçons de garder confiance dans leur valeur au cours de la scolarité, malgré leur incapacité à lutter avec les filles sur le plan intellectuel ? Apparemment ce n’est pas si simple, et je pense que ce serait une grosse erreur de s’acharner à maintenir artificiellement les garçons au niveau des filles. Toute réflexion de votre part sur ce sujet sera accueillie avec grand plaisir et intérêt. Merci.

 
Réponse Elise Sutton :  

Merci pour toutes ces observations très intéressantes. Vous avez pu constater l’énorme portée des changements que notre société a subis au cours des 40 dernières années, et dans quelle direction cela nous mène. Bien que nous ne soyons pas sûr de ce à quoi ressemblera notre monde dans 40 ans (de la même manière que M. Clarke ne l’était pas il y a 40 ans), nous ne pouvons que constater que les tendances actuelles nous promettent un futur qui sera sans aucun doute dominé par les femmes : reste à voir dans quelle mesure.

 

La façon dont les sociétés évolue est un sujet fascinant à étudier. Il y a ceux qui vont adopter intuitivement un modèle linéaire, et qui supposeront donc que les x prochaines années évolueront de manière similaire (en termes de tendance) aux x dernières années. Cependant, plutôt que faire cette hypothèse simplificatrice, il vaut mieux examiner les données historiques et les indices de tendances et y appliquer une progression exponentielle. Avec un tel modèle on peut émettre des prévisions bien plus exactes sur les futures évolutions de la société.

J’ai eu l’occasion de discuter avec des chercheurs travaillant dans le domaine de la prospective, et quand on aborde le sujet de l’évolution à venir des relations entre les hommes et les femmes, la grande majorité répond que la société du futur sera dominée par les femmes. Bien sûr, tous ces spécialistes tempèrent ce jugement en précisant qu’il est impossible de réellement prédire le futur, mais seulement d’envisager des scénarios avec un certain degré de probabilité.

Ce que l’on peut affirmer avec certitude est que la progression de la domination féminine est une tendance lourde et non une mode passagère, et cette distinction est importante. Une tendance lourde aura des effets à long terme et sur de grandes distances, affectera de nombreux groupes sociaux, et progressera lentement, dénotant ainsi d’une origine profonde. Au contraire, une mode passagère n’a des effets qu’à court terme, s’étend rapidement mais superficiellement. Il est évident que la domination féminine est une tendance à long terme, car nous pouvons maintenant juger sur un certain nombre de générations de la progression d’indicateurs objectifs, tels que l’accès au droit de vote pour les femmes, ou bien leur réussite scolaire ou professionnelle.

 Quand une tendance s’étend ainsi sur plusieurs générations, on parle alors de méta-tendance. D’autres preuves de son existence peuvent être également apportées par l’éclosion d’autres sous-tendances issues de la même branche. Par exemple, pour confirmer que la femme est en train de prendre le rôle prédominant, on peut s’appuyer sur l’évolution des résultats scolaires, des obtentions de diplômes, de l’affectation des postes de chefs d’entreprise, des succès politiques, ou encore de la nomination à des postes de direction et de gestion dans les multinationales : tous ces éléments indiquent que nous nous dirigeons vers un futur où la femme dominera l’homme.  

Et puis il y a l’apparition de nouveaux comportements sociaux, comme ces mariages de plus en plus nombreux où la femme porte sans complexe la culotte, et/ou apporte le principal revenu financier. Ou bien ces femmes prenant l’initiative de draguer des hommes plus jeunes, ces adolescentes aux comportement sexuel plus agressif, et, bien sûr, le nombre croissant de couples explorant des relations alternatives telles que la domination féminine associée à la soumission masculine : tout cela indique un renforcement du rôle dominant des femmes et celui soumis des hommes. Et ce sont là bien des tendances lourdes, et non des modes éphémères, car elles agissent à long et non à court terme.

 En examinant toutes ces faits, nous pouvons établir avec certitude la direction dans laquelle se dirige notre société. Cependant, comme les futurologues vous le diront, prédire exactement le futur est impossible à cause d’innombrables évènements imprévisibles pouvant affecter la course du monde et son économie, en y incluant les effets indépendants de l’action humaine tels que les catastrophes naturelles. Modifier une variable ici ou là peut amener à totalement modifier le cours de l’histoire.  

Mais quelle que soit la manière, je suis sûre de l’issue finale. Le génie a été libéré de sa bouteille, et on ne pourra jamais le forcer à revenir à l’intérieur. Maintenant que les femmes ont goûté à la liberté et au pouvoir, le vieux modèle patriarcal est destiné aux poubelles de l’histoire. Le futur est féminin et la Nature elle-même nous conduit dans cette voie, avec le besoin profond et toujours croissant de soumission de l’homme, et sa vénération de l’autorité féminine. Au fur et à mesure que les femmes gagnent en pouvoir, de plus en plus d’hommes sont favorables à ce changement social, et comme la nature dominante de la femme renforce la nature soumise de l’homme, cela ne fera que nourrir et accélérer cette tendance vers la domination féminine. Merci pour cette intéressante question.

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Lun 13 mar 2006 Aucun commentaire